| Edito
"Mille
maisons + Une"
"Tout l'effet d'annonce est là : dans le dévoilement ou la révélation
soudaine à un individu bien précis d'un lieu où, imagine-t-il, vivre lui
serait possible"
Marc Augé, Domaines et châteaux (Seuil, 1989)
Poème à la banalité d’habiter quelque part ou fiction productive que
nous avons laissé proliférer ? Par tacite contrat, nous postulerons
qu’elle existe, a existé ou existera… et qu’elle est unique ! De toutes
les maisons que nous avons fréquentées, il en est une et une seule à
laquelle nous sommes attachés plus qu’à toute autre par des liens ténus,
obscurs, presque invisibles : une lumière, une exposition dans l’espace,
une couleur, une odeur, un sentiment de sécurité et de bien-être. La
mémoire en a sauvé quelques images, des moments, des habitudes. Je me
souviens qu’ici, sur ce mur, il y avait la pompe et que dans ce hangar
était suspendue une balançoire que l’on se disputait entre enfants du
voisinage… et le puits au fond du jardin…
C’est tout un art d’élire cette maison-là, de la reconnaître pour
sienne, de s’y installer après l’avoir rêvée. Inscrite dans le paysage,
elle s’inscrit en nous, et nous y inscrit à notre tour. L’occuper ne
suffit pas, il faut aussi l’apprivoiser ! Elle est inaccessible dans sa
totalité. On y a pénétré par le jeu d’un détail. On a ressenti le poids
de ses murs, deviné peut-être la présence de quelque fantôme tutélaire.
Il y a ce qu’on en montre et ce qui reste intime ; ce qui se voit de
l’extérieur, et ce qui, de manière singulière, se vit à l’intérieur.
Tout témoigne d’un ardent désir d’abri et de protection, mais aussi de
projets rendus possibles par la présence même de ce lieu propre. Si l’on
s’adapte à elle et elle à nous, la maison devient notre deuxième peau
(la peau, les murs, même combat !), jusqu’à nous représenter et ne faire
plus qu’un (si, si, cette symbiose se produit plus souvent qu’on ne
croit !). Entre elle et nous, le dialogue s’engage et se poursuit au gré
des réalités de l’existence.
Evoquer la maison, c’est être conscient que l’on découpe dans le vaste
monde une petite carte mentale revêtue d’une subjectivité subtile. Le
mot engendre sans difficultés récits et souvenirs. Il dit un rapport au
temps, à l’espace, aux régimes diurnes et nocturnes de la vie, aux êtres
et aux choses, au travail et à la langue, à la possession et à la perte.
C’est de la matière mise en forme ou plutôt mise en scène, chaque
élément jouant sa partie.
Le lecteur est renvoyé à sa propre manière d’habiter. A lui de faire
jouer la comparaison et les hasards. A lui de créer en écho cette
poétique de l’espace, fruit de son expérience et de son imaginaire et
qui n’appartiendra qu’à lui.
Odette et Michel Neumayer
Carnoux, 25 février 2009
Sommaire
Odette
et Michel NEUMAYER Editorial 3
CE LIEU M'HABITE
Michèle MONTE Saisons 5
Geneviève BERTRAND Au premier jour 6
Isabelle ZUMMO Recette du bungalow... 8
Jeannine ANZIANI Théoule 9
Arlette ANAVE Dieu est dans les détails 12
Josiane HUBERT La maison de mots 14
Marie-Christiane RAYGOT Ta maison est ma mémoire 16
Agnès PETIT Espérance 18
Cursives
Architecte, plasticien, écrivain :
trois faces imbriquées d'une œuvre
et d'une vie particulièrement active"
Une écriture croisée à propos de Le Corbusier
Arlette ANAVE, Claude PRELORENZO
MAISONS
TEMOINS
Chantal BLANC Depuis, de par le monde 30
Anne-Marie SUIRE Juste à côté du Silence 31
Claude OLLIVE Chut, le bébé dort... 32
Catherine ROBERT Le tertre 34
Pascale
MAQUESTIAU Tricia Middelton 37
Marie-Noëlle HOPITAL Zône inondable 38
Stéphanie LEVI Paris, la bourgesoise 40
MONDES
INTERIEURS
Cédric LERIBLE Après l'incendie 43
Christiane LAPEYRE Demeure ouverte d'espérance 46
Richard RICHARD Il était une fois 47
Monique D'AMORE Où dorment les caméléons 48
Any SOUCHOT Silhouette 49
NOCTURNES
Marc LASSERRE La fuite 50
Paul RECOURSE Fantôme As 52
Pierre HUSSON Quand l'insomnie... 54
Patricia LEJEUNE Rêve de Friedensreich Hundertwasser 55
Graphisme
original - Fragment (6 x 7) : Marc LASSERRE

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 FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers. (Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte. |