| Edito "Découper le monde avec la langue" "Voyons, d'où vient le verbe ? Et d'où viennent les langues ? De qui tiens-tu les mots dont tu fais tes harangues ? Écriture, Alphabet, d'où tout cela vient-il ? Répond." V. Hugo, Dernière gerbe. Recueil publié en 1902.
"Désir et mort sont deux des noms que nous donnons à l'innommable." Marc Le Bot, Images, Magies, 1990. Imaginons un monde vierge, encore innommé. Voilà que survient l'homme qui pose sur toutes choses un nom, voilà qu'il baptise à tout va. Babel aidant, le même objet héritera de plusieurs désignations qui l'établissent, le disposent en catégories, au risque de s'y perdre. Fruit ou légume ? Qui a décidé pour la tomate ? Qui dira la violence de toute nomination ? La langue tourne et retourne. Et voilà le fameux Verbe des commencements qui va se complexifiant, les discours ajoutés aux discours, les dictionnaires aux dictionnaires. Divine surprise : le monde s'énonce ! Je peux le faire exister, apparaître et disparaître à mon gré, avec délicatesse ou avec démesure. La langue tourne et retourne. Vivante, verte, maternelle, étrangère, mais tout amour… la langue ! Descriptions, récits, proses, romans, grandes scènes du II, poèmes – ô, le poème ! –… autant de manières de détailler pour saisir, inventer au besoin, maîtriser, subjuguer. Même les enfants s'amusent à feuilletonner !
Au début était la langue ? Toute histoire, fable, prophétie, passent par son primat. L'écriture est elle-même un fait de langue, son outil privilégié : la métaphore. Au scripteur et au lecteur, conscients de l'impossible adéquation, la tâche de faire coïncider au mieux leurs découpages. L'écriture condense tout un univers en une page, écran fictif où viennent s'inscrire les traces du monde du dedans et du dehors, l'un et l'autre advenus par magie langagière. La langue tourne et retourne. Elle prétend parfois à l'apaisement d'un silence partagé, à la mutité finalement acceptée, débordée par le sens, le non dit encore, le reste pareillement opaques.
Odette et Michel Neumayer 16.11.2005
Sommaire
“Découper le monde avec la langue” “Editorial” Odette & Michel NEUMAYER - 3
IDIOMS Nathalie FERRIER "Dit l'ange" 5 Jeannine ANZIANI De l'hébreu ! 6 Geneviève BERTRAND Terre étrangère 8 Christiane RAMBAUD Rencontre 9 Xavier LAINE Continuum 10 Annie CHRISTAU Privé de mots 11 Betty LABOREL À Gilles B. 12 Pauline NOURLIGAREEVA La Fée 14 Natacha MANGEZ Souffrir l'aîné par le haut 16
JEUX Élisabeth CAPPRON Si j'étais une langue 18 Claude CASTEL Le mot 19 Jeronimo SAMSON L'Odyssée des nains 20 Michel NEUMAYER Biedermeier revisité 22 Richard CABANES Point de vue 23 Odile DUBREIL Un monde frisé comme un mouton 24
Cursives Entretien avec Laure-Anne FILLIAS "Ecriture théâtrale et pédagogie" : la place de l’espace, du temps, du plateau, des corps. Le théâtre en classe : de écriture à la mise et en scène. La place de l’espace, du temps, du plateau, des corps. "- 25
PARCOURS Agnès PETIT La parole donnera… 36 Monique D'AMORE Illimitée 37 Anne-Laure COURTIN Papilles d'une vie 38 Anne-Marie SOUFFLET Capter l'instant 39 Laure-Anne FILLIAS-BENSUSSAN Cène bouchère 40 Solange HERNANDEZ De celui qui inventait l'Amérique 41 Bernard MAYAUDON Je serai là planté… 42 Marie-Noëlle HOPITAL Virginia 43
NON DITS Geneviève LIAUTARD Traces d'une exposition 45 René COHEN Dévoiements du sacré 46 Marc LASSERRE Tu dis… mais, 47 Paul FENOULT Lendemain de fête... 48 NATURE Mikhail ROCHTCHINE Les Inscriptions 49 Marie-Françoise BELAÏZI Fenêtre 50 Teresa ASSUDE Instant attrapé 52 Nicole BRACHET Avant les mots 53 Cédric LERIBLE Liquide expirations 54 Roland VASCHALDE Le monde travesti 55
Graphismes de Richard Cabanes- pages 16-35-44 Recension Paru dans Aujourd'hui poème N°67, janvier 2006 105, Bd Hausmann, 75008 PARIS. Le numéro présente des textes très variés ayant en point commun la langue, les langues, et on ne sera pas surpris de pouvoir lire (ou regarder du cyrillique), ce qui n’est pas si commun dans cette sorte d’édition. On lira des vers riches : «Ce corps courbé de cris» (Agnès Petit) ; «Mordre dans son vocabulaire pour le faire hurler» (Claude Castel) ; "Mon père s’était résigné à ne pas transmettre, la langue de la terre mourrait avec la terre" (Annie Christau) ; «Par-delà les mots, la frontière / Par-delà la frontière des mots / et d’autres frontières» (Xavier Lainé) ; des réflexions poétiques sur la grammaire par Michel Neumayer. Au milieu, un entretien avec Laure-Anne Fillias-Bensussan sur le théâtre. Propos d’un professeur passionnée de théâtre qui n’hésite pas à choisir des textes en fonction de leur «bavardages», car l’atelier ne dure que deux mois. Mais le rôle de passeur est ici essentiel. Pour ce qui concerne la vision du monde théâtral d’aujourd’hui elle pense qu’elle est au tragique (Edward Bon et B.M. L-Koltès) : «Plus rien n’est interdit sur le plateau, ce qui donne lieu au meilleur et au pire, mais permet en tout cas le meilleur» pour renforcer la discussion sur ta querelle d’Avignon 2005 : «Le théâtre est un cri politique, social, personnel, métaphysique. Quel(s) langage(s) lui reste-t-iI pour que ce cri libère et grandisse l’homme et quels projets ? Je sais, voilà de l’humanisme (....) ce mot torpillé et dynamité doit se construire un autre sens, trouver d’autres formes».
| FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers. (Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte. |