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Edito
"Ce
sont armes ridicules…"
La
poésie est le contraire du retrait et de l’évasion, de je ne sais quelle
frileuse fuite de la réalité concrète. Elle n’existe que comme saisie
furieuse du réel…Jean-Pierre Siméon, 1996
Quel pouvoir occulte
mystérieux ont les mots du poète pour constituer un danger pour des ordres
établis qui veulent les mettre sous le boisseau, les faire taire à jamais.
Ils génèrent des haines en plantant leur graine d’incertitude, leurs
semences d’idées nouvelles ? Ils s’emparent de la langue pour un
nouvel agencement du monde. Là où il y a blessure et chaos, remettre du sens
et de la vie. Armes offensives, ils élèvent leur voix contre la barbarie.
C’est Maïakowski contre Kalachnikov. Ils tirent à versets rouges, envoient
des rafales de rimaillettes. Ils inventent la stratégie de l’encerclement
poétique pour assourdir le bruit et remplir le silence.
Armes défensives,
ils combattent le froid et la peur pour créer dans l’éphémère des poussières
de tendresse. L’écriture tente de reconstruire ce qui a été déchiré.
Aiguille de couturière, elle plante son dard dans l’armure de
l’adversaire, atteint son talon d’Achille, là où la chair est à nu. Et
elle recoud les morceaux désarticulés dans une patience infinie à faire
renaître une nouvelle harmonie, à raccommoder le tissu du texte au-delà des
déchirures. Son apparente fragilité la ferait paraître ridicule si, par
tous les moyens inventées par la censure, ceux qui veulent éteindre sa
petite voix ne montraient par là sa puissance.
Il y a des mots pour
les luttes sociales et des mots pour les combats intimes. Des mots qui lèvent
leurs petites têtes de mots face au vide et à la peur. A chacun de fourbir
ses armes, d’aiguiser ses vocables, d’épuiser ses cartouches dans cette
volonté de mettre au jour l’événement. Tourner autour du pot, c’est
tourner autour du mot.
Françoise
Salamand-Parker
(9 mars 2003)
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FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat.
"filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou
or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en
transparence dans certains papiers.
(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas
explicitement dit dans le texte.
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