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Edito
L’inhumain hante l’humain.
Face à l’humain, il manoeuvre.
On voudrait croire que les mots
contribuent à dresser les limites à ne pas franchir, concourent à identifier ce
contre quoi nos énergies sont à mobiliser. Immergés que nous sommes dans notre
humanité, il semble en notre pouvoir, grâce à l’écriture, de prendre la mesure
de toute l’expérience élaborée au cours des âges, de mettre à distance, de tirer
des leçons.
Or ce siècle, comme aucun autre
auparavant, a pratiqué l’éloquente perfidie, la duplicité des mots, la folie des
concepts destructeurs, les discours préparant et légitimant haine, déportations,
exterminations, et pourtant c’est le nôtre ! Cette langue, capable de tuer, est
la face honteuse de la nôtre ! Notre seule riposte est de nous expliquer avec
elle, d’en interroger les usages, sans fin.
Sous couvert de littérature, des
tabous sont, ici et là, allègrement franchis. Au nom du plaisir ou de
l’innocence du jeu, il nous arrive de nous aveugler. Sous prétexte de dénoncer,
nous risquons de banaliser. Même si nous savons que la ligne de partage est
ailleurs que dans les mots, notre vigilance est requise, et ce, vis-à-vis de
l’écriture d’abord.
Alors, ne plus écrire ? Non, mais
écrire pour ajouter de l’humain à l’humain, pour déchirer l’ombre, pour rendre
lisible ce qui nous fait avancer. Avec la convic–tion que cela est possible.
Avec l’immodestie de pré–tendre que l’écrit recevable est celui qui élargit
notre monde, le façonne et le complexifie.
Écrivons l’inouï de nos désirs,
de nos rêves, de nos peurs. Faisons connaître le travail des “hommes du commun à
l’ouvrage”, pourvu que l’écrit affirme ce qui est chargé de sens et de valeurs,
l’absolu auquel nous aspirons, la relativité de nos ouvrages l’hu–main, opposé à
la barbarie, à l’indifférence, à la bru–talité des forces malfaisantes.
De texte en texte se décline la
façon dont s’organise, par l’écriture, le champ de l’humain. Ici, un témoi–gnage
; là, une indignation ; ailleurs, un silence si fort qu’il fait violence.
Odette et Michel
Neumayer
Carnoux, le 4 avril 1999
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FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat.
"filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou
or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en
transparence dans certains papiers.
(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas
explicitement dit dans le texte.
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