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Edito
"Écrire en somme pour
délier la plume et l'esprit […] j'ai plaisir à retrouver et à relire ; il
m'arrive alors d'être agréablement surpris. Je n'aurais pas eu sur le coup
cette tendresse pour moi."
Pierre Loche
Greniers où sont engrangés des
grains de mémoire. Qui n'a jamais acquis, avec délectation, un de ces objets
familiers, épais ou mince, à grands ou petits carreaux, cartonné ou broché, dont
il a fait sa terre secrète, à labourer d'une plume rageuse ou légère?
C'est une douce manie que de
consigner sur un espace resserré, une fois par jour, année après année ou bien
selon l'humeur du moment, ce qui fait l'ordinaire ou l'extraordinaire de la vie.
Pratique quotidienne, parfois minutieuse, parfois oublieuse, la production de
ces écrits intimes n'est d'abord que griffonnage, entraînement négligeable, mais
elle est peut-être aussi laboratoire du texte à venir.
Ces écrits d'avant la forme vont
bien au-delà du plaisir de voir s'accumuler les pensées les plus "pense-bête".
S'astreindre à garder traces de ce qui a été, de ce qui ne sera plus, donne du
sens à nos existences de carnetistes, stabilise notre univers, rassure notre
besoin de mettre à l'abri. Les mots déposés dans l'instant, décousus, fragiles
comme peuvent l'être les souvenirs, je sais, de science sûre, que, retrouvés ou
relus des années plus tard, dans ce petit bleu, tout usé par mes prises et
reprises, me feront mesurer le chemin parcouru.
Et puis, il y a les jours de
grand inventaire, jours d'incursion dans nos bricolages, nos listes, nos
logiques chronologiques. Les pages livrent alors quelque énigme lisse, quelque
lumineuse vérité.
Une cohérence après coup
s'installe, on se ressouvient de telle image, de telle ambiance. Des liens se
nouent d'un fait à l'autre. Retravailler est alors possible. Lentement, d'abord
des mots, parfois une ou deux phrases…, un petit poème…, une histoire cherche le
meilleur moyen de parvenir à l'existence. Toujours le hasard y joue son rôle.
L'écriture, la vraie, celle qui
décidera enfin de se donner à lire, de se montrer sur la place publique, ne
commence-t-elle pas là, dans carnets et calepins, humblement, obstinément ?
Odette Neumayer
15 septembre 1998
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FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat.
"filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou
or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en
transparence dans certains papiers.
(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas
explicitement dit dans le texte.
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