N°17

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Filigranes N°
17
"Ecrits des commencements"
Mars 1990
   
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Edito

"La création du Monde étant la création par excellence, la cosmogonie devient le modèle exemplaire pour toute espèce de création "
Mircea Eliade
"Aspects du mythe"

Ecrire, penser l'ordre du monde en usant de la langue. Y fonder sa propre langue au sein de la langue.
Aux origines, cette absence, chaos fait de violence indicible, de tensions, d'énergies. En ces temps, les Mots attendaient infiniment d'être Verbe pour éclairer l'inexplicable de la pensée.
Pour tenter de cerner l'ombre mythique des premières fois, on écrit et chaque fois le réel renaît sous le travail des mots. Recherche inscrite à jamais au coeur des hommes. Obstiné devoir d'humanitude. Ecriture toujours recommencée des commencements pour que s'engendrent une suite, un devenir, une possible fin.
Ligne de démarcation entre ordre et désordre, entre visible et invisible, advient le texte, surgit le sens, s'énonce un savoir toujours plus complexe sur soi, sur le monde.

Avant le temps de l'oubli... Surtr, gardien du pays brûlant de Muspell demanda à Voluspa de lui ouvrir son jardin, à lui, Surtr, car il sait que fertile est la fraîcheur.
Il connaît le drame de la nature, quand, desséchée, l'herbe s'embrase, la terre cuivrée se couvre de vapeurs de cendres et le ciel rougeoie.
O Voluspa, prie-t-il, ouvre pour moi tes jambes vertes. J'espère l'eau vivace de tes printemps, moi qui sans trêve habite le désert jusqu'au vertige.
O Voluspa, verse sur mes douloureuses vertèbres l'eau de vie et ma mémoire ne croisera plus le chemin des dragons morts.
Mais Voluspa qui connaissait les destinées répondit : "Les hommes virils arrivent toujours avec la pluie et j'ai souvenance qu'un géant violent appelé Surtr a autrefois battu la nuit à mort. Jamais je n'ouvrirai mon jardin à ce brutal !"
A ces mots, le géant déchaîna sa colère, envoya le feu et la foudre contre les arbres du jardin enchanté. Le poids des choses devint brûlant. La faim et la soif naquirent spontanément de l'immensité. Quelques étoiles se morcelèrent... Mais Voluspa tint bon !

Ecrire, penser l'ordre du monde en usant de la langue.
Et si l'acte fondateur, follement démiurgique, de celui qui écrit était d'oser participer au chaos initial - les écrits des autres - en y ajoutant son propre texte ?
Passer d'une parole autre à une parole mienne : de l'autre de l'autre à l'autre de moi. Plurivocité de la mémoire des temps, pour que toujours renaisse la langue dans l'activité créatrice des commencements.

Odette Neumayer
14 mars 1990

 

 

 

 

FILIGRANES  (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers.

(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte.

 

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