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Edito
PROPOS
- Dans ce paysage, pour que chacun (scripteur,
lecteur) trouve son chemin, il n’y avait qu’à imaginer un atelier d’écriture :
quelques bonnes consignes auraient fait l’affaire, pour gagner le pari de
l’écriture du lecteur.
- Il fallait pour une fois renverser les rôles.
As-tu pensé qu’ils s’inversent sans arrêt dans la vie, mais que cette inversion
se fait à notre insu, autour du livre, dans cet espace intermédiaire où
transitent tous les sens possibles et d’autres encore, innommables sans doute.
Sens, que ni scripteur ni lecteur ne maîtrisent totalement. As-tu pensé que,
lisant le livre, tu l’écris à ton tour, pour toi et en silence. Personne n’en
saura rien.
- Mais écrire n’est pas si simple. Même si certains
l’ont fait, le font et réitèrent. Il est des barrières à franchir, et des
résistances à vaincre. “ Écrire, c’est d’abord vouloir détruire le temple,
avant de l’édifier ” (Maurice Blanchot).
- Casser le mythe du “ bon texte ”, comme une
tirelire trop pleine, trop belle. Ne vois-tu pas que cela t’empêche de vivre, de
lire écrire. Quoi ! Tu te laisserais prendre au leurre de la qualité, tu
remettrais à plus tard, tu abandonnerais aux autres sous le prétexte qu’ils
seraient mieux que toi, parce que tu aimes ce qu’ils écrivent.
- Mais tu me parlais bien de “ modèles ” pourtant !
Tu n’arrêtes pas de citer l’un ou l’autre.
- Oui, pour les transgresser. Vois toi-même ce qu’en
dit Italo Calvino. Goûte le paradoxe de la citation : “ On écrit un livre
parce qu’on a lu un autre livre, écrit par quelqu’un d’autre, qui nous a donné
envie d’écrire, et ma vraie passion a toujours été d’écrire le livre des autres
: je lis un livre qui me frappe, et me frappe surtout parce que je pense que moi
je n’aurais jamais pu écrire une chose pareille, je ne sais pas comment c’est
fait. Et après, je commence à réfléchir et je dis : Ah, cet effet là, mais
peut-être on peut y arriver de cette façon, on met cette notation de paysage,
après le personnage est décrit avec tels mots, etc.. ” (“ Souvenirs d’égotisme ”
Radio Canada)
- Oui, le rapport au texte de l’autre ... l’autre
qui porte un nom, que l’on rattache à un lieu, à une époque, à un souvenir, une
technique aussi.
L’autre que je classe, archive, empile sur mes
étagères, en bonne ou mauvaise compagnie, avec ses voisins de palier, ses
relations de travail.
- Travail du texte, tu veux dire. Quand je lis,
c’est ce travail-là que je lis. Ce qui m’intéresse, c’est l’écart : faire autre
chose, déplacer ce qui existe déjà, de façon infime, à peine perceptible, aux
limites de la dissidence. Écrire "sur les pas du palimpseste".
- Quand je lis, face au texte présent de l’autre, il
y a mon texte absent. Absent, il est là, sous la cendre : tout a déjà été écrit,
brûlé.
- Mais c’est encore un autre texte que tu écriras,
peut-être la copie non-conforme, la faux de celui-là que tu portes en toi. Et tu
me l’adresseras, à moi que tu ne connais pas. Tu m’auras imaginé, ou non. Je
serai à mon poste, sans même que tu le saches, mais tu ne peux écrire sans moi.
L’essentiel c’est que tu veuilles bien croire que j’existe quelque part, un
jour.
- Je ne te connais sans doute pas, mais je sais que
tu me ressembles, " hypocrite destinataire ". Je t’institue lecteur et tu me
fais scripteur. Dialectique de nos légitimations croisées.
- Oui, mais tu ne me connais pas.
- Qu’importe ! Pas besoin de te connaître pour te
connaître, pour que tu fasses tache d’huile dans ma vie. Je te retrouve de texte
en texte, de lecture en lecture : je te suis à la trace.
- Ne t’inquiète pas, je t’écrirai bientôt ! On est
de la revue…
Odette et Michel Neumayer
Mai 1986
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FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat.
"filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou
or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en
transparence dans certains papiers.
(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas
explicitement dit dans le texte.
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