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L'atelier
du
Séminaire
Cette
page donne un aperçu de
nos ateliers de réflexion et de préparation des numéros à venir...
 Crédits photos
Jeanninne Anziani , Odette et Michel Neumayer |
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Tapis de la mémoire
Lectures croisées
du N°76
Sous l'angle de...
de ce qui nous surprend...
de ce qu'on n'attendait pas...
des savoir-faire.
Sauf à penser : la mémoire se tapit dans les plis contingents du
quotidien, rien ne me paraissait moins tapis que la mémoire. Je
pensais plutôt bribes, flash ou échafaudage. Pourtant, il fallut s’y
coltiner et affronter l’énigme de la proposition. A la lecture du N° 76
de la revue, le résultat de ce travail en partage est surprenant.
Équilibre entre évocation de la mémoire individuelle et collective, noué
d’un texte à l’autre et par le jeu malicieux du montage. La
question-réponse d’une page « Souviens-toi » à son vis-à-vis « Oui, je
me souviens du vent. » Des récits étalés comme des tapis à la fenêtre
dans les rues échancrées du sud et d’autres concis, compacts comme un
galet sous la lame d’une vague. L’épure, le secret, la douleur, ce qui
se parle sans se nommer... Et le tissage dont la figure se dérobe pour
révéler une autre figure qui se dérobe pour révéler la trame, le fil,
qui se dérobe pour dire la vie. L’Edito et les doutes du photographe
Pascal BONNEAU, dans « Cursives ». Ses déambulations de capteur de
lumière, de voyeur du végétal, les minuscules vignettes de ses œuvres.
Les photos de Daniel Monte, ombres sur les empilements de dossiers, de
feuillets, les alignements de casiers. Cet enrobement matériel de la
parole devenue textes, classés, répertoriés, indéfiniment archivés. Et
la mémoire de se délier depuis trois numéros, entre « résistance et
avancée » parmi les écueils de l’oubli. L’accueil de nouveaux auteurs,
fenêtres sur d’autres horizons. Toujours tapie, entre les lignes,
l’énigme de la mémoire, sur les lignes, tandis que je découvre cette
nouvelle de BORGES : « Funes ou la mémoire ».
Un narrateur raconte la rencontre qu’il fit d’un homme jeune, qu’un
accident avait rendu infirme et doté d’une mémoire immense. Tous les
détails de ces perceptions s’incrustaient pour toujours dans son
souvenir avec une acuité à absorber tous les instants. Sa vie se
déroulait ainsi, et toute entière elle n’aurait pu suffire à évoquer le
seul temps de sa jeunesse « surchargé(e) de détails ». Le grand poète
argentin de conclure par la voix de son personnage: « Il avait appris
sans effort l’anglais, le français, le portugais, le latin. Je soupçonne
cependant qu’il n’était pas très capable de penser. Penser, c’est
oublier des différences, c’est généraliser, abstraire. Dans le monde
surchargé de Funes, il n’y avait que des détails, presque immédiats ».
Ainsi le tapis est mémoire trouée
ravaudée d’oubli.
Et autant que ce peut Pensons N’oublions pas d’oublier.
Anne-Marie Suire
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"Être surprise va nécessairement avec
le savoir faire"
Qu'est-ce qui, dans un numéro de Filigranes, est de nature à nous
surprendre ? Des mots ont couru : qualité, diversité, textes, nouveauté
des auteurs, émerveillement, aboutissement d'un travail…
Accueil de textes nouveaux, certes, il faudrait réfléchir à comment se
fait cet accueil.
Le véritable étonnement tient pour moi d'abord au sentiment de victoire
que chaque numéro sorti et payé suscite. Quoi, depuis plus de 25 ans,
chaque année, trois numéros sont fidèlement fabriqués et envoyés ! Tenir
la route, tenir le rythme, tenir le coup, voilà les faits bruts.
Ensuite, on peut bien en venir aux détails.
Prenons par exemple l'édito cosigné – texte à part entière, comme il a
été dit –. Il ne peut s'écrire qu'à la fin, quand nous avons été
imprégnés de la poésie des textes proposés, quand ont été tracés les
chemins parcourus dans la problématique par les uns et les autres ;
quand, ce cadre ayant été posé, il est possible de s'en évader en
aspirant tout le suc fourni par les mots en tension. Ici, "Tapis de la
mémoire". Comment ne pas faire jouer à fond la métaphore et la
superposition ? Comment ne pas aller revoir l'œuvre de Paul Klee, au
retour de ses voyages en Tunisie ou en Égypte ? Comment expliciter, sans
outrecuidance, les liens tissés entre le concret du tapis et l'abstrait
de la mémoire ? Comment ne pas se voir à l'œuvre, tissant à l'infini nos
destins croisés ? Être à la fois au balcon et dans la rue.
Se poser enfin la question de fond que pose tout archivage : caresser
l'espoir qu'un jour, un regard curieux…"
Odette Neumayer
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La surprise dans ce numéro, me
dites-vous ?
"Je cherche surtout à semer le trouble,
à perturber la vision"
Pascal Bonneau. (Filigranes 76 - p.26)
La surprise, cela renvoie
à la notion de routine. Routine, j'attire votre attention, ne veut pas
nécessairement dire "routinier, ou pour utiliser un mot couperet :
"rasoir". La routine, quand on la regarde autrement, c'est aussi le
savoir faire cristallisé, celui dont on ne parle plus, tant il est
évident….
Alors, puisqu'on ne parle plus de surprise, de quelles routines me
parlez-vous ?
Savoir accueillir des textes de personnes qui ne connaissent pas le
projet de Filigranes. Y puiser. Faire passer une partie au moins des
coulisses à la scène publique.
Savoir demander à tel auteur ou tel autre un deuxième état de son texte
car on pense qu'il porte encore sur lui cette sorte de couche laiteuse,
de ciment dilué que le carreleur nettoie longuement à l'essence. Cette
demande, comment la formuler sans heurter ? Comment induire quelque
chose sans se substituer à l'autre ? Plusieurs textes de ce numéro sont
de ce type, textes polis et repolis, raccourcis, scrutés encore et
encore. Vous aimeriez savoir lesquels ?
Savoir vaincre la résistance de celui, de celle qui n'imagine pas, ou
plus, ou pas encore, son témoignage, son texte, ses photos dans la
revue. La résistance, ce n'est pas le refus. C'est un moment de tension,
un moment fondateur. Oui, mais sous conditions. Il faut une demande, un
accompagnement, de la confiance. A cette condition, et peut-être à
quelques autres encore, la résistance peut devenir émancipatrice.
Michel Neumayer
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Cinq personnes sont arrivées pendant
la lecture... - Un gendre
qui flotte,
- Un photographe qui doute,
- Un poète qui lit,
- Un résistant qui avance,
- Un Américain qui déroule une idée.
Quelques questions ont été amenées,
trois m’ont paru importantes :
- Où se situent les limites éditoriales ?
- Pourquoi les diversités traduisent les mêmes idées ?
- Pourquoi Surprise et Savoir-faire vont de pair ?
Et si Amos Os avait été là et si
Christian Boltanski avait été là, heureusement il y avait les photos de
Daniel Monte.
Richard Cabanes |
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Étonnement de cette
écriture 3 fois rappelée sur le même objet.
Toujours neuve toujours surgissante
Étonnement de la diversité des styles et approches – qui ne sont pas
dispersion, mais couches et sous couches et humus d’où émerge un regard
unifié par une direction thématique et un éditorial à l’écoute de la «
basse continue » qui accompagne les textes, et qui sait discerner le
point focal où convergent les lignes de force
Dans le cheminement du numéro et l’interaction entre les premières
pistes, les ateliers, le travail personnel, l’éditorial, l’organisation
des textes, on peut se demander ce qui est premier
- de la matière scripturale qui produit progressivement en sens porté
par l’édito
- ou de l’édito qui unifie au final et donne sa direction à la matière
écrite ?
Ou serait-ce les deux ??
Étonnement des nouveaux venus, aussitôt avalés, mâchés, intégrés par la
machine à digérer de l’écriture
Est-ce magie ??
Oui, mais pas que…
Invisible à l’arrière plan, il ya le savoir faire longtemps et
patiemment mis au point
dans la progression interne de la revue
dans l’articulation des textes autour de mots « intenses » qui déploient
l’édito
dans l’aération et la mise en page
dans le respect scrupuleux de l’écriture, ponctuation (ou pas),
présentation, montage de chacun
dans la capacité discrète à faire céder les résistances, à provoquer une
avancée jusque-là tenue pour impossible et devenue ardente
Geneviève Bertrand
2 mai 2010
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