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"Histoires
de papiers"
Reflexion sur le numéro 78 à venir
En écho au travail d'Hatem Akrout,
une réflexion sur l'imaginaire des frontières.
Violence sacrée
Ni histoire ni discours idéologique ni théorie esthétique
Mais
L’intime de l’œuvre,
Même – et surtout – celle qui est inachevée
A cette heure de fragilité des dessins en mouvement vers un ailleurs
Toucher cette chair, atteindre l’intime à l’état brut
Est-ce violence que de franchir cette frontière ?
Est-ce effraction que de se glisser entre le papier et le trait,
de se couler dans la fluidité de la matière, de vouloir saisir le secret
de la lumière ?
Est-ce indiscrétion que d’être à l’affut de la naissance du geste
créateur ?
E n guise de réponse
Le surgissement des mythes
Leur violence sacrée
Le minotaure dévoreurs de jeunes gens, les éléphants aux grandes
oreilles,
Les dieux métamorphosés en cygne
ILS défendent le territoire secret – là où ça crée
Celui de l’art
Celui qui n’a rien à prouver
Si ce n’est poser son existence
Son urgence à Etre
à l’interface de l’humain et du divin, de l’animal et de l’humain
Celui qui ne se situe
ni à l’intérieur, ni à l’extérieur
ni entre les deux
« juste ça »
Geneviève Bertrand
Après un dialogue avec Hatem Makrout
18/09/10
* * *
A propos des frontières.
« La frontière est violence. »
La phrase est forte.
L’animal pose sa frontière vitale, son territoire.
L’homme cadre, encadre et surenchérit sa frontière.
La tauromachie est un exemple de lutte pour un territoire.
Les frontières sont tour à tour envahies, dansées, bousculées,
partagées, puis fixées par la mort.
Sommes-nous tous spectateurs ou acteurs de corridas ?
Il y a d’autres exemples de lutte.
Celui de l’arbre est intéressant.
L’arbre envahit l’espace de manière fractale, à la fois par le haut et
par le bas. Il est le tréfonds et le très haut, abîme et cime.
Autre exemple : les neurones.
Ils sont construits sous un mode arborescent, mais avec un aspect plus
complexe.
Au plus l’espace est occupé par des connecteurs, au plus il y a de
chance de gagner en espace. Il n’y a pas bourrage mais effervescence
d’espace. Pourtant notre crâne présente toujours la même dimension. Il
ne fonctionne pas comme une corrida.
On peut affirmer alors, qu’il y a plusieurs espaces, frontières,
territoires.
A nous de les imaginer et de les créer.
En sachant, qu’il est obligatoire d’en fixer des limites pour éviter la
dispersion et en se rappelant que l’adaptabilité est une caractéristique
essentielle de l’homme et de l’animal. Darwin ne va pas me contredire.
Richard Richard.
* * *
Créer un monde de pureté qui exprime l'innocence de l'enfance.
Créer un monde "Bio" non pollué par l'éducation, les exigences morales
ou politiques.
Créer un monde vierge de toute interférence artistique, loin des
courants et des mouvements établis.
Hatem Akrout est un artiste dont le dessin exprime cette exigence
première : être hors du monde actuel quoique révélant les joies, les
violences et les angoisses inhérentes à l'être humain.
A propos de frontières, pour lui, dans son dessin, la ligne et le trait
-la couleur étant subsidiaire - ne sont pas des frontières. Ils ont une
continuité d'éternité.
Pour lui, la frontière c'est la peau qui sépare l'homme de l'extérieur,
c'est le sexe qui différencie la femme de l'homme, c'est la déchirure,
c'est l'animal qui défend son territoire.
Pour lui, le territoire est toujours source de violence : qu'on
l'attaque ou qu'on le défende, ce sont toujours les armes à la main.
Christian CASTRY.
* * *
Quand, comment, pourquoi arrêter son travail plastique?
Le fait de décider qu'un tableau est provisoirement achevé permet d'en
commencer un autre. Le fait de travailler incessamment sur le même, à la
recherche d'une perfection, serait la fin de la production plastique. La
perfection mettrait fin à toute nouvelle production.
« Le mot frontière engendre une violence »
Ce qui provoque la violence, c'est le fait de décider arbitrairement de
la possession de ce territoire. Je prétends que prendre conscience de la
finitude d'un monde par ses frontières, permet de gommer ces frontières
par le dépassement, le débordement. C'est une preuve matérielle de
l'infini qui commence maintenant. J'en fais l'expérience.
Du coup cela me fait regarder mon travail en sculpture. Travailler la
matière, c'est travailler à la fois en profondeur, dans la densité, et
c'est en même temps travailler la nouvelle frontière de la matière dans
l'espace. J'ai besoin de créer ces frontières non pas pour régner ou
posséder, mais pour donner un sens nouveau, pour aller au-delà si
besoin.
Christiane Lapeyre Aubagne, le 19-IX-10
* * *
1.
Qu'est-ce que créer aujourd'hui, quel est le statut du créateur ? Hatem
semble dire qu'il n'est plus celui qui, hier encore, se reliait au monde
par un engagement. Il serait plus simplement, plus modestement, celui
qui transcrit et retranscrit, entre rêve et réalité, au plus près du
mythe. Au plus près de ce qui relie à de l'éternellement humain, trop
humain. Du désir mis en forme, en récits, en histoires.
Que retranscrit-il ? Cela dépend. Des rapports entre homme et femme,
entre animal, végétal et humain. Des problèmes d'agencements de corps,
de formes, de sexes, de traits et de pleins et de creux. Il ne cherche
pas à contrôler mais laisserait plutôt libre cours à son trait. Il
serait presque agi par ce qui pulse en lui. Désir, mémoire, utopie,
culture.
2.
Le territoire, une violence ? Par principe et toujours une violence ?
dit Hatem. La frontière, pareil ?
Pourtant, sans trait, sans frontière, pas de production plastique,
intervient Michèle.
La violence est donc dans la peinture, au cœur même de la peinture,
consubstantielle à elle.
Et dans l'écriture ? Pour Hatem c'est certainement quelque chose du même
ordre, une violence peut-être plus fragile, plus incertaine... C'est ce
que dit le peintre. Mais l'écrivain, qu'en pense-t-il ? Pas sûr qu'il
partage ce point de vue. L'écriture aussi est violente ou fait violence.
3.
Face à la violence en art, comment on se retient ? Comment on se tient
debout. Mon texte a-t-il de la tenue ? De la retenue ? Cette limite,
cette frontière me semble essentielle à poser, à affirmer non comme un
dogme mais comme une question vive. Car la confusion actuelle en la
matière, fait symptôme. Symptôme d'un monde sans pensée.
Michel Neumayer
* * *
Beaucoup de parallèles entre écriture
et peinture. Une double affirmation d’être. Et une souffrance dans les
deux cas, la souffrance de la création.
Fini – non fini.
Pour les deux volets artistiques, une même histoire.
Quand donc un texte est-il terminé ?
Quand donc le peintre trouve-t-il son tableau abouti ?
« C’est fini quand le tableau s’en va », nous livre Hatem.
C’est le même processus pour l’écriture. C’est fini quand le texte est
donné à l’éditeur.
« Il faut savoir s’arrêter » a encore lâché Hatem. Oui, à un moment
donné le créateur doit dire stop à sa création qui pourrait avoir envie
de jouer les prolongations à tout jamais…
Claude OLLIVE
* * *
Légende 2
La situation est complexe et j'ai besoin de la déplier pour m'y
retrouver :
- Nous (Fili), sommes en présence de l'artiste (fier et humble à la
fois, qui ose s'exposer, exposer ses commencements).
- Nous (chacun et chacune à Fili), lui renvoyons une facette de notre
vision de son monde. Nous le traitons gentiment de démiurge, de danseur,
d'habité par les mythes, d'Andy Warhol… Prenant un cygne pour un
vulgaire canard…
- Nous (Fili), lui posons des questions auxquelles il répond par des
phrases fortes : "Je ne sais pas ce qu'il y aura après le dessin (moment
facile, libre, joyeux), mais il faut continuer sans cesse ; j'essaye
d'être un instant ; la culture… comme Carthage dont il ne reste rien ;
le monde m'imprègne de manière poétique ; je suis en absence ; occuper
l'espace avec une sincérité totale ; oui, je suis animal ; le mot
'frontière' est violent…".
- Nous, (Fili), sommes boutés hors de nos frontières habituelles, nous
écoutons ses mots après avoir feuilleté son monde, nous comprenons que
la violence l'habite et qu'il la traite à sa façon. Peindre aurait-il à
voir avec la culture de paix ?
Odette Neumayer
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