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Samedi 18 septembre 2010
Déroulement de l'atelier
a) Expo de dessins
d'Hatem Akrout (ces dessins seront mis en mis en ligne
prochainement).
b) Première écriture en
écho avec nos préoccupations actuelles, liées ou non à notre thème
annuel.
c) Discussion avec
Hatem Akrout.
Hatem Akrout évoque les
frontières (fichier son mp3)
d) Nouvelle
écriture personnelle.
*** Les auteurs..... Geneviève Bertrand
Nicole Brachet
Richard Richard
Jeanne Calderoni
Christian Castry
Marie-Claude Fournier
Christiane Lapeyre
Michel Neumayer
Claude Ollive
Odette Neumayer
Marie-Christiane Raygot
Enchevêtrés, déformés, transformés
Les corps
Membres tentaculaires qui
phagocytent l’espace, forment des méandres
Inventent des paysages, s’échappent des frontières
Corps moléculaire qui se dédouble, se reproduit
Mais le noyau reste
dans une proximité intime avec le trait obscur
Corps végétalisé : devenu feuille, arbre et cactus
Corps mythologisé : il engendre des minotaures, des poulpes, des
éléphants
Le trait
tel un scalpel – déploie sur la page les lobes
cérébraux de ce grand corps primordial
Circonvolutions en liberté qui étalent sur l’aplat de la feuille blanche
leurs désirs, leurs mémoires, leur subconscient, leurs zones archaïques
et animales, leur point d’échappée vers le Beau dans sa communication
avec le divin et la part démiurgique
Danse élan mouvement fluide et aquarellé
La couleur ignore le trait, réclame sa liberté, veut vivre sans limite
Turbulences jaune et brune
Et solaire et terrestre
Transparence liquide posée sur la matière du papier japonais
Et le trait reprend ses droits
Se tortille, s’entortille, s’enroule, se dérobe
Circonvolue dans de nouveaux hémisphères
Le Nord ? Le Sud ?
Là où les pôles s’inversent
La tête en bas, les pieds dans les nuages
Plus d’attraction terrestre
Mais celle du désir dans sa quête de l’instant sans lendemain
« juste ça » dit la mouche
En s’envolant
Laissant sur la feuille ce chatouillement agacé qui appelle à se
déplacer
Ouvrir la fenêtre, laisser surgir l’impatience de la vie
Geneviève Bertrand
A propos des dessins de Hatem Akrout
18/09/10
* * *
Histoire d'un désir(e)
Pour Hatem AKROUT
Est-ce que le désir a une histoire ? De quelles entrailles est-il sorti
? De quelle nuit ? Le peintre écrit le mot avec un e, marque du féminin.
Fable où l'animal et l'humain se mêlent à foison, à toison, à maison...
Danse, centaures et formes serpentines. Toujours le même appel : la
découverte, la nudité, mais la mandorle reste béante et on a beau
retourner le papier, c'est la même transparence, la même énigme. Le
baiser n'épuise pas la connaissance. Au son du luth, le patineur peut
s'exhiber et se promener nu sur le lac gelé, s'il en a envie, il n'en
effrayera pas pour autant les déesses, elles resteront irrémédiablement
muettes.
Que regardent-ils tous derrière nous ? Ils sont en absence, ils nous
ignorent. Un face à face, sans tête à tête. N'est-ce pas d'abord
l'échange de regards qui abolit la frontière ?
Nicole Brachet
* * *
Sans lendemain,
pour Hatem Akrout.
L’autruche marche.
La mouche gène.
Le coq regarde.
Le papier Japon,
L’eau,
Les couleurs s’étiolent, s’entremêlent.
Face au papier, à l’eau, aux pigments les histoires.
Histoires animales et humaines.
Protéiformes, elles errent dans le papier,
dans l’eau, dans les pigments.
Elles exigent tout,
Nous sommes rien,
Situation idoine.
Pauvres petites poupées russes que nous sommes,
Embrigadées dans les gouffres, les tourbillons,
Du papier, de l’eau, des pigments.
Bataille orgiaque,
Du papier, de l’eau, des pigments, des histoires
Avec le doigt qui les malaxe.
Le kakatoès crie trop fort.
Il crève le papier.
Il est passé outre.
Outre-mer, outre noir,
Encore des histoires sans lendemain,
Des vies et des humanités.
Richard Richard
* * *
Dessins
Une multitude de
mouvements s'impose.
Une accumulation de formes envahissantes se promène, des taches
apparaissent parfois, laissant une énigme derrière elles.
Des douceurs colorées s'exposent aux douleurs scarifiées.
Un monde entier se cache derrière son sourire d'autoportrait.
Ses personnages sont de profil pendant qu'il nous observe bien en face.
Une animalité humaine me fixe.
Un noir coloré me regarde.
Une alliance paradoxale s'est construite et les contraires se mélangent.
Jeanne Calderoni
* * *
La femme et l'homme s'exposent devant nous. Quelquefois, nus comme
au premier jour. Ils marchent, ils dansent, ils gesticulent, ils
s'animent dans des jeux quelquefois érotiques. Quelquefois, les corps
disparaissent dans des brouillards de couleurs ; les corps deviennent
ocres, siennes, bruns, quelquefois bleus. Les ocres, les siennes, les
bruns deviennent quelquefois des corps.
Les corps se transforment quelquefois en chemins, en sentiers, en
routes, deviennent des cartes de géographie. Quelquefois rupestres,
zoomorphes, ils échappent au temps présent. Ils sont le monde d'hier et
d'aujourd'hui, ils sont le nouveau monde créé par le "Dieu Hatem Akrout".
Christian CASTRY
* * *
Hatem Akrout a exposé ses
dessins et autres œuvres, représentant l'humain joyeusement, se montrant
lui même heureux, hilare, farceur, dans une sorte de danse perpétuelle,
souvent au milieu des femmes, s'amusant follement elles aussi. Un
autoportrait le montre tirant la langue, ceci traduisant son humour, une
certaine sensualité, un lien avec son enfance.
Quand on l'interroge sur la notion de Frontières, thème de notre
atelier, il convient alors gravement que tout cela est prétexte à la
violence, aux guerres incessantes à partir de la création de ces lignes
de partage. Il précise que la notion de territoire est plus exacerbée
chez l'homme que chez l'animal, semblant remettre en cause notre
conscience d'humain.
Il déclare alors qu'il existe de multiples frontières, entraînant moins
de conséquences négatives : la différence de sexe entre la femme et
l'homme, avec ses particularités physiques et psychologiques, la peau
qui sépare notre organisme du monde extérieur, la naissance donnant
accès au monde vivant, après la vie fœtale...Ces dernières citations
sont peut-être un vœu d'acceptation de la diversité dans un climat de
réflexion et de paix.
Hatem Akrout rappelle qu'il a organisé des ateliers d'art plastique pour
enfants et que les enseignants n'étaient pas sûrs du bon comportement de
ceux qu'ils appelaient "mauvais élèves". Mais il est heureux de préciser
que justement ce type d'élèves avaient donné un meilleur travail sur le
plan plastique, grâce à la force d'une très grande spontanéité qui est
moins présente chez l'enfant calme, bon élève, "bien élevé", Tout ceci
évoque peut-être une certaine comparaison avec le cas d'humains
primitifs (on pense aux aborigènes d'Australie qui avaient la capacité
de percevoir ce qui se passait à une distance de plusieurs kilomètres)
et dont les pouvoirs n'avaient pas été entravés par une sur
adaptation due à l'éducation.
Nous avons été heureux de rencontrer ce peintre sympathique dont l'œuvre
est délicate et joyeuse.
Marie-Claude FOURNIER
* * *
La vie grouille sans préavis. Rien ne semble préexister. De la tache
surgit le sujet, le personnage. La frontière de l'un détermine les
commencements de l'autre. Seul le trait s'affirme et sait où il veut
aller. Une forme en appelle une autre; le creux loge la rotondité de la
bosse.
Se confrontent les derrières, les sexes, les corps girafes. La vie
s'inscrit, se danse, se chante, se partage, en souplesse. Les regards
s'échangent dans un labyrinthe du dessus/dessous, devant/derrière,
dedans/dehors. La complexité de la vie se tisse dans la richesse des
différences. Etranger son regard reste l'essentiel du processus, pour
déborder, dépasser la tache par la trace ou la trace par le trait. Créer
une limite est indispensable pour aller au-delà, dans cet espace vierge
encore inexploré, où tout peut surgir. Là où le monde peut s'inventer.
Christiane Lapeyre
* * *
Tous se mêlent, ange & démons, tous se placent, s'assemblent, se
ressemblent ensemble ou presque.
Ce qui nous fait tenir, c'est ce qui nous ramifie, membres d'hier et
d'aujourd'hui, vertèbres de toujours, de si peu. Quelques taches, brou
de noix.
Je me tiens, tu te tiens. Côte à côte, nos corps s'écorcent.
S'il y a, Dieu merci, un haut, un bas, un homme, une femme, une gauche,
une droite, on pourrait aussi se disposer autrement, de biais, à
l'envers, flottant dans l'air des songes, ou presque.
Quant à l'essentiel, c'est de se tenir, se soutenir, de l'un, de
l'autre. Bien se tenir, devant, derrière, à côté, en arrière-plan.
Mais devant qui ? Devant toi, Hatem ?
Michel Neumayer
* * *
Coïncidence que de quitter le numéro 77 de Filigranes :
« Promesses-Prémices » et de tomber, comme en prolongement, sur des
dessins d’Hatem Akrout ?
Dessins inachevés promesses de tableaux achevés, dessins prémices de
finitude.
Une chose frappe mon regard en premier : l’épaisseur du trait et la
quasi monochromie des ébauches de courbes voluptueuses. Puis
l’importance donnée à la tête des personnages par rapport aux corps.
Mais… comment dire… je reste sur ma faim. J’ai besoin de voir une œuvre
dans sa globalité et terminée. Alors je consulte un des catalogues mis à
notre disposition. Ouf ! De – la – couleur ! J’ai besoin de couleurs, le
monde est en couleurs.
Et là pour le coup, sur les tableaux représentés, elles sont franches.
En même temps, sur les trois tableaux proposés dans ce livret, beaucoup
de blanc, des fonds blancs, pour les faire chanter.
Mais je regarde ensuite un autre catalogue. Le fond blanc a laissé la
place à du noir, du bleu, du vert ou le mélange des deux derniers. Puis
je tombe en arrêt sur des autoportraits du peintre, clin d’œil à Andy
Warhol ? Je me pose la question… Par rapport aux esquisses regardées au
départ, sur tous ces tableaux, le trait s’est affiné, mais je retrouve
bien la prédominance de la tête des personnages.
Que me racontent-ils ces tableaux ?
Pour la plupart, ils me parlent de l’homme, de la femme, du couple,
d’enfants. Ils témoignent de vie, peut-être quelque part ils crient :
« regardez-moi ! »
Le peintre a écrit sur une feuille à côté des dessins : « un trait
s’incruste et se rate. Il n’est ni homme ni serpent. Il est raté. Voilà
l’histoire d’un dessin (…) mais un espoir est toujours là pour témoigner
d’une résurrection. »
J’y vois un beau parallèle avec l’écriture d’un texte, plus de frontière
ente le signe écrit et le trait dessiné.
Je pourrais plagier : « une phrase s’incruste et se rate. Elle n’est ni
poème ni source ni rêve. Elle est ratée… mais l’espoir demeure toujours
et demain qui sait ? »
Claude OLLIVE
* * *
Légende 1
Et le Washi enfanta des êtres aux articulations souples. Tout un monde
mixte à la recherche de la bonne posture, de la position ad hoc.
Et le Washi se rebella, il en bavait, mais l'artiste affirmait son
trait, esquissait des portraits de mouches, d'autruche, que sais-je
encore ? Des figures longues et tristes, des figures rondes, sans
lendemain…
Tout ce bel univers s'abreuvait d'eau et d'encre, s'inscrivait courbe
dans courbe, s'emmêlait jusqu'au tryptique, débordait au point que l'on
ne savait à qui appartenait cette épaule, ce genou, ce sexe…
L'artiste jouait au démiurge, il était en train de créer et sa création
le regardait en face… et il se mit à danser.
Odette Neumayer
* * *
Futur dans la femme. Au diable son mystère ! Son corps de volutes.
Myriades de lignes chamboulées. Courbes entrechoquées. Quelques aplats
se heurtent, s'étayent. Des halos de couleurs fondent. L'œil est happé
mais ne saisit ni le début ni la fin. Tourbillons d'une matière
translucide. On ne suit pas. On est emmené. La main était-elle alors
consciente ? Il faudrait avoir vieilli pour admettre l'évidence de
l'aventure. Cette rencontre l'a-t-on cherchée, prévue ? (Vient-elle en
étrangère ?)
Pourtant l'oiseau est "sans soucis", veinard ! Un éléphant ou peut-être
un papillon, un lambeau de nuage, sans lendemain. Qu'importe le papier
sera éternel. La mouche porte tête haute, normal ! À cet instant
l'artiste était Dieu !
Marie-Christiane Raygot
Séminaire 19 septembre 2010
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