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Edito
"Éloge de la relation…"
"Pas si simple, le monde"I
"Je suis les liens que je tisse…"
Albert Jacquard
Tout un numéro pour faire un éloge. Certes, mais de qui, de quoi et pourquoi ?
La Relation ? Tellement humaine. Spécifiquement humaine !
Union, amour, amitié, tendresse… Correspondance, rapport, alliance, récit… Liaison, commerce, affinités, métissage… Bien des mots se présentent pour nommer et distinguer ce qui se noue entre les êtres, les êtres et les choses, entre les groupes, les pays, les langues. Le mot rehaussé d'un bel R majuscule ? Ou ordinaire, banal, en minuscule ? En faire l'éloge, ce serait d'abord en illustrer, exemples à l'appui, la polysémie, le vaste éventail, les nuances, les histoires.
Très vite surgissent les questions. Qualité ou quantité ? Intimité ou intensité ? Les uns collectionnent les amis. Il paraît que Maïté en a bientôt 2560 sur sa page, mais Paul ? Et Mohamed ? D'autres sont sélectifs, exclusifs, voire égotistes. Complexes sont les ingrédients de la relation.
Au départ, deux volontés, un commun désir de s'observer, d'échanger. Être Un, c'est être l'autre d'un autre. S'ouvre alors un espace, celui d'un rapport à, passage du Je au Tu. Qu'il soit affiché ou retenu, joyeux ou souffrant, qu'importe ! Entrer en relation, c'est vaciller sur ses bases. Bon gré ou mal gré, on s'abandonne en confiance, on s'expatrie. On s'éprouve à l'aune de ce que l'Homme de la créolisation nous rappelle et qui nous transforme : "…si on conçoit une identité rhizome, c'est-à-dire racine, mais allant à la rencontre des autres racines, alors ce qui devient important n'est pas tellement un prétendu absolu de chaque racine, mais le mode, la manière dont elle entre en contact avec d'autres racines : la Relation…" (Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Gallimard, p. 31,1996.)
Discours laudatifs, subtiles figures de style, l'Éloge est un genre. Il implique louanges et compliments, avec, en creux souvent, la critique et l'éreintage. Légère, à peine esquissée, elliptique, ou offensive, indignée, la mise en mots donne de l'épaisseur. Voir ou revoir, noir sur blanc, mis à jour et parfois mis à nu, ce qu'a été un rapport à une personne, un événement, un paysage, une ville, le proposer en partage, donne-t-il à celui qui écrit une maîtrise, une compréhension nouvelle ? Le nombre et l'éventail des formes indiquent bien l'énergie dégagée.
Mais toujours, l'aléatoire de la relation : elle peut être comme elle peut mourir.
Valoriser, rapporter, célébrer, certes ; revenir vers le passé de l'enfance. Nostalgie rétrospective, mais aussi souffrance quand la rencontre ne se fait pas : trop grande différence d'âge, de statuts, de caractère, de mobiles ; des logiques se confrontent, mais ne s'accordent pas. Solitude ? On est dans la complexité du vivant. Tordu quand la relation est violente, fatale. Pétillant d'espoir quand des voix s'élèvent qui rêvent d'une culture où l'autre aurait le droit d'être autre et différent. Toujours, communauté des humains, "autrui, comme expression d'un monde possible" (Gilles Deleuze).
Au-delà, en dépit ou grâce à tout cela, ce qui nous unit au sein de la revue, ne serait-ce pas notre relation aux mots ? En eux, nous affirmons nos normes, notre vision du monde, notre empreinte en lui. Ils sont la matière qui fait pont entre auteur et lecteurs, liens si forts, si flous. Filigranes, une machine à créer des liens avec les nouveaux, les étrangers, les inconnus ; à tisser en un recueil de textes, noués peu à peu avec les anciens, habitués, fidèles de la première heure. Bonheur des entretiens, comme autant de portes ouvertes. La revue, riche de toutes ces attaches.
Odette et Michel Neumayer,
Carnoux, le 28.11.12
Sommaire
Odette et Michel NEUMAYER Éditorial 3
ÉTRANGE QUOTIDIEN
Roland VASCHALDE Nevermore
Gislaine ARIEY Chaque matin, il enfile...
Nicole DIGIER Sur un banc de la Plaine
Luc BROUTIN Beyrouth sur mer
Michèle MONTE Un pays si loin si près
Anne-Marie SUIRE Oh ! ce chagrin de l'autre
Bernard MORENS Comme une matière...
TOPKASSI Dix stances...
Simone ALIÉ-DARAM Elle n'aime pas les tomates
ARCANES
Agnès PETIT Intrusion
Claude OLLIVE Celui qui...
Christian CASTRY À l'aube bleue des premiers jours
Dominique HÉBERT L'espace d'un matin
Claude BARRÈRE Diaphane enfant
Paul FENOULT Liens ténus
CURSIVES
"Aujourd'hui, pour la première fois..."
Entretien avec Pascale LASSABLIÈRE,
animatrice d'ateliers d'écriture
et René Berger, Vincent Schmitz, Sébastien Grand-Jany, Fernando Ricci, Bernard Baltus, Maxime Briamont, Steve Schyns, David Verbeeck, Mustafa Koç, Fred Ansay, Bertrand Gilles, Jacqueline Piette, Sébastien Ricci
Lire les textes
EN HÉRITAGE
Teresa ASSUDE Dire l'aube
Jeannine ANZIANI Lettre à mon fils
Jean-Jacques MAREDI Un léger voile au fond des yeux
Yves BÉAL Nous appartenons aux arpèges
Marie-Noëlle HOPITAL Le temps de la plume
Christine LY Le passé, cet inconnu
Arlette ANAVE Les terres cuites de Provence
Annie CHRISTAU Au fil de l'écriture
Irma MURA Importance de l'inessentiel
Marie-Christiane RAYGOT Je crois me souvenir...
Jean-Jacques DORIO Accents restés dans la voix d'autrui
Les graphismes
sont d'Antoinette BATTISTELLI.
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FILIGRANES (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers.
(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte.
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